Indigenous Terra Madre : Focus sur la gastronomie durable
Les peuples autochtones protègent 80 % de la biodiversité mondiale grâce à leurs traditions culinaires. Pourtant, ils font face à l’insécurité alimentaire et à des défis environnementaux majeurs.
Points clés :
- Indigenous Terra Madre (ITM) rassemble des peuples autochtones de 90 pays pour préserver leurs savoirs et leurs terres.
- Leur mission repose sur une alimentation « bonne, propre et juste », essentielle pour la biodiversité.
- Initiatives comme l’Arche du Goût identifient et protègent des milliers de produits alimentaires locaux.
- Les événements ITM, comme celui de 2024 au Mexique, renforcent les communautés via des projets concrets et la transmission des savoirs.
En bref : ITM défend les systèmes alimentaires durables en valorisant les traditions autochtones, tout en impliquant les jeunes et les femmes pour protéger l’avenir de la planète.
Historique de Indigenous Terra Madre
Chronologie et développement
Le mouvement Indigenous Terra Madre a vu le jour lors de sa première manifestation mondiale en Italie. En 2004, la première rencontre mondiale des communautés alimentaires, Terra Madre, s’est tenue à Turin, réunissant 5 000 délégués venus de 130 pays. Cet événement fondateur a marqué le début d’une série de rassemblements internationaux, notamment la deuxième édition de Indigenous Terra Madre en 2015 à Shillong, qui a accueilli 606 délégués autochtones de 62 pays, et l’édition d’octobre 2023 à Hualien, Taiwan, réunissant des producteurs locaux et des représentants de communautés internationales . Ces étapes clés témoignent de l’évolution et de l’expansion du mouvement, profondément ancré dans les savoirs et traditions autochtones.
Principes autochtones
Le mouvement s’appuie sur des principes ancestraux mettant en avant une relation harmonieuse avec la nature et les cultures traditionnelles. Cette philosophie se traduit par plusieurs aspects essentiels.
La préservation des savoirs traditionnels est au cœur de cette initiative. Carlo Petrini, président de Slow Food International, souligne l’importance de ces connaissances :
« Nous devons réaliser que la défense des savoirs traditionnels est une pratique qui nous fournit des outils indispensables à nos vies. »
Les communautés autochtones revendiquent leur droit à gérer leurs terres ancestrales, à cultiver selon leurs traditions, à pratiquer la chasse et la pêche selon leurs besoins, et à préserver leur souveraineté alimentaire.
Phrang Roy, coordinateur du Partenariat Autochtone pour l’Agrobiodiversité et la Souveraineté Alimentaire, met également en lumière le rôle central des peuples autochtones dans la préservation de l’agrobiodiversité mondiale :
« Si vous regardez une carte des points chauds mondiaux de l’agrobiodiversité, vous réalisez rapidement qu’ils sont identiques aux habitats des peuples autochtones. »
Les principaux dépositaires de ces savoirs sont les peuples autochtones eux-mêmes, ainsi que les agriculteurs, les femmes et les anciens. Leur rôle est essentiel pour transmettre ces connaissances aux générations futures et protéger la biodiversité de la planète.
Méthodes de préservation alimentaire
Protection des espèces
L’Arche du Goût, une initiative clé d’Indigenous Terra Madre, a identifié 5 312 produits issus de plus de 130 pays en septembre 2021. Ce projet encourage activement leur culture pour garantir leur pérennité.
Un exemple marquant : la tribu Nokhurli au Turkménistan. Malgré des températures glaciales, elle utilise une méthode ingénieuse d’isolation au fumier de mouton pour fabriquer le fromage Nokhurli Motal.
Carlo Petrini, président de Slow Food International, met en lumière l’ampleur du problème :
« Dans le monde, nous disposons d’une richesse génétique de plus de 7 000 variétés de plantes pouvant assurer notre nutrition. Pourtant, dans nos systèmes alimentaires, nous ne nous appuyons que sur 30 à 40 espèces. »
La diversité alimentaire, essentielle à la survie de nombreuses espèces, repose également sur la transmission des savoirs traditionnels aux nouvelles générations.
Transmission des savoirs
Au-delà de la préservation des espèces, les communautés locales s’efforcent de transmettre leurs connaissances aux générations futures. Meerim Sydykova, originaire du Kirghizistan, illustre cette démarche en transformant la campagne Disco Soup en Disco Dastorkon, où les anciens jouent un rôle central dans l’éducation des jeunes.
Les récits oraux jouent également un rôle crucial. Kaichou Titiana, pêcheur en Nouvelle-Calédonie, explique :
« Je raconte à mes enfants et petits-enfants des histoires sur les plantes et les animaux qui nous entourent pour qu’ils restent connectés aux aliments que mangeaient leurs ancêtres. »
Watu Ferdinandus, membre de l’Association des agriculteurs d’aliments locaux d’Indonésie orientale, résume parfaitement cette approche :
« Les semences sont liées à la culture et à l’identité. Quand les semences sont perdues, la culture est perdue ; sauvegardons les semences pour l’avenir afin de préserver notre sagesse. »
Résultats de l’événement au Mexique 2024
Implication communautaire
L’événement Indigenous Terra Madre – Peuples Abya Yala, qui s’est tenu à Mexico du 6 au 10 mars 2024, a rassemblé 100 représentants venus de tout le continent américain. Parmi eux, 80 délégués représentaient des pays comme le Mexique, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Guatemala, l’Équateur et le Nicaragua.
Un des moments forts a été le projet de renforcement des capacités des gardiens de la diversité. Ce programme a connu une participation impressionnante, avec 70 % de femmes et 55 % de jeunes. Cette initiative a permis de lancer 24 projets communautaires, dont neuf ont bénéficié d’un financement. Ces projets constituent une étape concrète vers la préservation de la biodiversité.
Protection de la biodiversité
L’événement a également eu un impact direct sur la biodiversité grâce à la création de treize nouvelles communautés Slow Food à travers le Mexique. En parallèle, le réseau a soumis 52 nouvelles propositions pour l’Arche du Goût, renforçant ainsi la reconnaissance des produits locaux.
Au Chiapas, les communautés ont redoublé d’efforts pour protéger des variétés locales de maïs et de haricots, tout en valorisant le système traditionnel de la milpa. Comme l’a expliqué PADES :
« À travers une production bonne, propre et juste et des espaces permettant la formation de réseaux pour la défense des semences et leurs modes de vie, constituant le bastion du système milpa comme quelque chose de plus qu’un simple projet productif. Le projet a également favorisé des réseaux collaboratifs, laissant une empreinte positive sur les groupes participants. »
Ces actions sur le terrain témoignent d’un engagement fort et d’une volonté de transmettre ces pratiques aux générations futures via l’académie Slow Food.
Leaders de la nouvelle génération
Dans cette optique, l’académie Slow Food s’attache à former les leaders de demain pour qu’ils puissent perpétuer les traditions culinaires tout en préservant la biodiversité. Un manuel dédié aux jeunes autochtones leur fournit des outils pratiques pour concevoir des projets et promouvoir un développement autonome.
Dali Nolasco Cruz, coordinatrice du Réseau des peuples autochtones Slow Food pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a déclaré :
« Terra Madre est également une opportunité unique pour le Réseau des peuples autochtones de participer à des réunions mondiales et régionales, de discuter d’actions concrètes et de moyens d’avancer pour protéger notre biodiversité et conduire ensemble le changement des systèmes alimentaires avec nos partenaires. »
L’équipe de PADES SC a également mis en avant les retombées positives des initiatives menées :
« Le patrimoine bioculturel des communautés autochtones et locales est une composante centrale pour faire face à la crise socio-environnementale de la planète… Les résultats de notre évaluation des activités menées au Mexique confirment l’impact des activités de Slow Food sur la revalorisation des pratiques et des connaissances liées aux systèmes de production qui favorisent la conservation in situ de l’agrobiodiversité. »
Pratiques de gestion événementielle
Directives écologiques pour l’événement
Depuis 2006, le réseau Terra Madre a considérablement réduit l’impact écologique de ses événements grâce au projet SEeD (Systemic Event Design). En appliquant ces méthodes, ils ont réussi à diminuer leur empreinte environnementale de 65 %. Lors de l’édition 2020/2021, ils ont organisé 1 146 événements dans 75 pays, illustrant l’efficacité de cette approche.
Les communautés autochtones jouent un rôle central dans cette transformation. Leur savoir-faire ancestral est essentiel pour organiser des événements en harmonie avec la nature. Ces pratiques ne se limitent pas à l’écologie, elles reflètent également les valeurs fondamentales du mouvement, tout en favorisant des pratiques économiques équitables dans le domaine agroalimentaire.
Normes du commerce équitable
En parallèle des initiatives écologiques, le programme Slow Food Farms soutient une production alimentaire qui respecte les principes d’agroécologie, garantissant des produits « bons, propres et justes ». Cette démarche vise à combiner respect de l’environnement et équité dans les chaînes alimentaires.
Les fermes qui adhèrent à ce programme bénéficient de plusieurs avantages : elles peuvent utiliser le logo Slow Food Farms, accèdent plus facilement aux marchés, et reçoivent une reconnaissance officielle pour leur engagement. Comme l’explique Anneli Johnson de Slow Food Sapmi :
« Les aliments que nous mangeons et produisons doivent être bons, propres et équitables ».
En connectant les agriculteurs à une communauté mondiale, le réseau crée un environnement économique plus solidaire et résilient, où les producteurs voient leurs efforts valorisés.
Soutien communautaire de Mexikoo
Circuits gastronomiques locaux
Mexikoo met en lumière les traditions culinaires autochtones à travers ses circuits écotouristiques. En collaboration avec des guides locaux certifiés, l’entreprise partage la richesse du patrimoine gastronomique mexicain. En juin 2022, Mexikoo est devenue une entreprise sociale, consolidant ainsi ses partenariats avec les communautés locales et créant des opportunités économiques durables. Cette approche s’inscrit dans les valeurs de Terra Madre, renforçant à la fois la souveraineté alimentaire et la préservation culturelle.
« La terre est identité. C’est la culture traditionnelle et le savoir. Si vous nous éloignez de nos terres, vous tuez nos identités et nos cultures ainsi que notre souveraineté alimentaire, produisant pauvreté, déplacement et conflits. Le bien-être est lié à la terre. »
- Réseau Indigenous Terra Madre
En collaborant directement avec les communautés, Mexikoo jette les bases de voyages qui respectent profondément l’environnement et les traditions locales.
Options de voyage responsable
Mexikoo traduit son engagement pour un tourisme durable en actions concrètes. L’entreprise privilégie les hébergements écoresponsables qui intègrent des solutions comme des stations d’épuration pour traiter les eaux usées, des toilettes sèches et des produits biodégradables.
Pour minimiser son empreinte écologique, Mexikoo encourage l’utilisation de moyens de transport respectueux de l’environnement, tels que le catamaran, le canoë, le kayak, la voile, la marche et le vélo. Cette démarche s’inscrit également dans les principes de Terra Madre, qui soutient la préservation des systèmes alimentaires autochtones.
En juillet 2022, la création de la Fondation Mariana Bustamante est venue renforcer les projets de développement communautaire, témoignant de l’engagement continu de Mexikoo envers les communautés locales.
Perspectives d’avenir
L’avenir d’Indigenous Terra Madre s’inscrit dans une démarche visant à préserver durablement les systèmes alimentaires. Ce mouvement, qui s’enrichit d’années d’expérience dans la sauvegarde des traditions culinaires, continue de se développer et d’évoluer. Forts de cet héritage, les organisateurs envisagent des approches encore plus audacieuses pour les années à venir.
Les peuples autochtones, avec leur vision globale basée sur l’interconnexion entre les humains, la faune et leur environnement, jouent un rôle central dans cette évolution. Leur approche se tourne désormais vers une éco-gastronomie intégrant plusieurs disciplines, mettant en avant l’importance des savoirs traditionnels pour construire un avenir plus respectueux de la planète.
Dans le Yucatán, des initiatives comme « Yucatán : Mosaïque d’Expériences » illustrent l’impact positif du tourisme communautaire au sein des communautés rurales mayas. Ces projets transforment des pratiques ancestrales, telles que l’agriculture milpa et les techniques culinaires traditionnelles, en expériences immersives pour les visiteurs. Ces efforts permettent non seulement de préserver un patrimoine vivant, mais aussi d’intégrer le tourisme communautaire dans la transition vers des systèmes alimentaires durables.
Les initiatives mentionnées servent également de fondation aux futures plateformes d’échange d’Indigenous Terra Madre. Ces événements continueront de promouvoir l’agroécologie et la sagesse collective, tout en s’inscrivant dans un mouvement global en faveur d’un tourisme éthique. Ce modèle lie la préservation de la biodiversité agricole à la protection de la diversité culturelle des peuples autochtones et à leur droit de gouverner leurs territoires.
FAQs
Comment Indigenous Terra Madre contribue-t-il à préserver la biodiversité mondiale grâce à la gastronomie durable ?
Indigenous Terra Madre : un pilier pour la biodiversité mondiale
Indigenous Terra Madre joue un rôle central dans la protection de la biodiversité en reliant les systèmes alimentaires traditionnels aux pratiques respectueuses de l’environnement. Bien qu’ils ne représentent que 5 à 6 % de la population mondiale, les peuples autochtones sont les gardiens de près de 80 % de la biodiversité de la planète. Leur savoir transmis de génération en génération permet de préserver des écosystèmes variés tout en adoptant des pratiques agricoles respectueuses de la nature.
Ces événements offrent un espace précieux où les communautés autochtones partagent leurs savoirs, leurs traditions alimentaires et leurs pratiques durables. En mettant en lumière l’importance de l’agroécologie et des cultures locales, Indigenous Terra Madre sensibilise à la nécessité de protéger ces trésors pour les générations futures.
Quels défis les communautés autochtones rencontrent-elles pour garantir leur sécurité alimentaire et quelles solutions mettent-elles en place ?
Les défis de la sécurité alimentaire pour les communautés autochtones
Les communautés autochtones rencontrent de nombreux obstacles en matière de sécurité alimentaire. Parmi ces défis, on trouve un accès restreint à des aliments nutritifs, des prix souvent très élevés pour les denrées alimentaires et les impacts du changement climatique sur leurs pratiques agricoles ancestrales. Dans certaines zones, les coûts des aliments peuvent être bien supérieurs à ceux constatés ailleurs, rendant encore plus difficile l’accès à une alimentation équilibrée.
Pour répondre à ces enjeux, ces communautés mettent en place des initiatives centrées sur la souveraineté alimentaire. Cela passe par la redécouverte et l’application des savoir-faire agricoles traditionnels, la mise en place de jardins communautaires et la promotion des aliments locaux et indigènes. Ces actions ne se limitent pas à améliorer l’accès à une alimentation saine : elles contribuent également à préserver des traditions précieuses et à renforcer les liens entre les membres de la communauté autour de pratiques alimentaires communes.
Quelles actions concrètes Indigenous Terra Madre mène-t-elle pour impliquer les jeunes et les femmes dans la préservation des savoirs culinaires traditionnels ?
Indigenous Terra Madre : initiatives pour les jeunes et les femmes
Indigenous Terra Madre met en œuvre des actions concrètes pour garantir que les savoirs culinaires traditionnels et les pratiques culturelles soient transmis aux générations futures, en mettant un accent particulier sur l’implication des jeunes et des femmes. Cela passe par des ateliers éducatifs et des programmes de mentorat, conçus pour préserver et transmettre ces connaissances essentielles.
Les rassemblements organisés par Indigenous Terra Madre offrent également des espaces uniques où les participants peuvent échanger leurs expériences, collaborer et discuter de pratiques respectueuses de l’environnement. Ces événements ne se contentent pas de célébrer le patrimoine culturel : ils renforcent aussi le rôle central des jeunes et des femmes dans leurs communautés, en valorisant leur contribution et en favorisant leur reconnaissance.
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